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On vient de sortir de la ville de Catacaos, tout au nord du Pérou sur la côte Pacifique, là où c’est tout plat et tout sec avec de la poussière et du vent.
Comme on est malins et que de toute façon se lever tôt c’est pas pour nous (on a ça dans les gènes je crois) le soleil est déjà bien haut, on s’est arrêté dans une station service dans le centre ville pour faire le plein de flotte. Quand c’est comme ça on remplit dans les sanitaires et on filtre après au fur et à mesure.
Là on fait le maxi plein dans nos poches à eau bleu pétant décathlon parce qu’on s’engage dans le désert, 200 km quasi en ligne droite vers la prochaine ville, Chiclayo.
En chemin il y a sur la carte quelques villages et puis juste des relais de route de plus en plus espacés et de plus en plus poussiéreux (ça c’est pas sur la carte mais ça plante un peu mieux le décor).
Il nous faudra 4 jours pour en venir à bout à cause du vent de face, alors à chaque jour on charge la mule de flotte.
On roule vers la sortie de la ville et, revenus sur la route panaméricaine, la seule dans le coin pour aller au sud, on retrouve PH et Coco qui étaient partis en avance pour tendre le pouce et qui attendent toujours le camion béni des cieux qui les emmènera vers Chiclayo.
On se refait des ultimes photos, un petit câlin et on attaque la route.
La panaméricaine est bien large, en 2 fois 2 voies avec sa large bande d’arrêt d’urgence à cet endroit, vers la sortie de la grande agglo de Piura dont fait partie Catacaos.
Des bâtiments plus ou moins finis, ces murs inachevés d’où dépassent de plusieurs mètres les tiges d’aciers du béton armé, vers le ciel, attendant un étage qui viendra dans un an, dans 20 piges, jamais.
Des entrepôts et des grandes stations services au sol défoncé, avec des camionneurs qui font leur pause.
Quelques arbres dont le feuillage ajouré fait vite fait de l’ombre sur le sol.
Sur le bas coté, à une vingtaine de mètre de la route, ils sont une grosse dizaine, assis contre un mur d’enceinte, blanc, décrépi, pour profiter un peu de l’ombre qu’il procure encore, avant midi.
Silhouettes élancées, crocs au pieds, quelques sacs de sport avec des fringues et des tapis de sol poussiéreux enroulés à coté. Il viennent du Venezuela et c’est à au moins 3000 km d’ici. Là où ils vont, c’est à Lima, dans un quartier de la ville surement peu reluisant où l’un d’eux connait une tante qui à un ami qui connaît un coin où poser les sacs et les tapis de sol et redémarrer une vie de zéro.
Nous les saluons depuis les vélos, il y a plus d’hommes que de femmes. Peut être 2 ou 3 femmes maxi et des enfants. Ils sont tous jeunes, les adultes dans la trentaine pour les plus vieux, dans la vingtaine. Autour d’eux il y a des grosses bouteilles plastiques d’eau, vides.
Ils nous demandent si on a de l’eau.
Les enfants sont jeunes, moins de 10 ans dans mon souvenir. Qu’est ce qu’ils comprennent de tout ça ? Qu’est ce qui se forge dans leur tête quand leur parents galèrent à trouver de l’eau ? Surement un tas de choses.
En attendant les vélos sont l’attraction et le filtre aussi ! Il faut pendre la poche à eau en hauteur avec la cordelette et par gravité l’eau coule par le filtre et dans la grosse bouteille plastique, c’est passionnant. C’est bien la première fois qu’ils sont avec des gens qui se font chi**r à filtrer l’eau, sont drôles ces gringos.
Je pense aux péruviens qui ont peut-être dit à leur famille de dégager quand ils avaient besoin d’eau. Ou peut-être pas, ils sont peut-être aussi juste descendu d’un camion y’a pas longtemps, qui les a déposés ici et les réserves sont à sec.
Pendant que l’eau coule, nous discutons un peu plus avec les parents. L’une des deux jeunes femmes a un master en gestion d’entreprise. Ils ont tous perdu leur emploi à cause de la crise.
On filtre 2 ou 3 litres d’eau de nos réserves je crois.
Ce sont d’abord les enfants qui boivent, et les mamans.
Quelques mots encore échangés et on remonte en selle vers le désert et vers le sud.
Cet article fait partie d’une mini-série : La petite voix