La cantatrice à trottinette

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Nous sommes sur la Plaza de Armas de Cuzco, au cœur de la ville.

La place en jette, elle est faite de pavés larges et lisses et d’espaces enherbés plantés de fleurs, bien alignées.

Au milieu, trône la fontaine, et sur la fontaine se dresse la statue de feu Manko Qhapaq, le premier souverain Inca légendaire, sorti des eaux du Titicaca avant de se dire que ce serait cool d’aller civiliser un peu tout ces sauvages de peuples natifs désordonnés entre la Bolivie et la Colombie (bon en vrai ça s’appelait pas comme ça à l’époque parce que Christophe Colomb et Simon Bolivar étaient pas nés mais c’est pour se repérer un peu).

Je résume à la hache, ils ont été plusieurs sur le trône quand même en 300 ans d’empire jusqu’à son arrière arrière […] arrière petit fils Atahualpa qui s’est fait roulé dans la farine, trahir puis zigouillé par le charmant Pizarro.

Il y a des réverbères qui vont bientôt s’allumer.

J’aime beaucoup Cuzco et son ambiance andine.

Avant d’y arriver, je dois avouer que je flippais un peu de tomber sur un Disneyland blindé de pizzerias à la carte standardisée, de boutiques de babioles made in china et de lamas déguisés pour faire des selfies devant les anciens murs Incas.

Tout le monde va à Cuzco, les amis voyageurs, les reporters d’Echappées Belles sur France 5 et tout plein de retraités Etats-Uniens, Anglais, Allemands ou Français.

Ça fait drôle d’ailleurs car c’est un des seuls endroits depuis le début du voyage où nous croisons autant de visiteurs de cet âge, contrairement à d’autres villes touristiques de Colombie, d’Equateur ou du Pérou où nous avons croisé surtout des backpackers, plutôt jeunes.

Mais en fait, non, (sauf peut être pour les pizzerias c’est vrai) Cuzco me séduit.

Très touristique, mais avec du charme, de la vie et réellement belle dans sa vallée d’altitude.

Elle a cet air au grain particulier, cette lumière et ces nuages qu’on retrouve quand on prend un peu de hauteur dans les Andes.

Très vite en dehors des rues touristiques du centre, on marche dans des quartiers bien dans leur jus, avec leur rythme, les halles, le marché dans les rues, les restos tout simples où ne vont que les locaux.

On pourrait aussi juger cela moche, chaotique, bâti à l’arrache, aux rues pas d’aplomb. Le charme du Pérou.

Maintenant nous sommes assis en plein centre colonial, sur un des bancs, sur l’extérieur de la place, face au parvis de la cathédrale, avec son style colonial bien chargé. Irina kiffe grave, moi je suis pas méga fan mais de toute façon je suis hyper difficile avec les églises.

On a décidé de profiter de la fin d’après-midi pour se balader dans le centre et pousser la chansonnette avec le Charango et les tchic-tchic et travailler notre vaste répertoire de 5 chansons et demi.

Il faut dire qu’on est en pleine dynamique saltimbanque là, en plein dans les balbutiements de notre brillante carrière de chanteurs de pollería* naissante.

*pollería : restaurant où l’on peut déguster des cuisses de poulet frites, ou des ailes de poulets frites, ou aussi des blancs de poulet frits.

On est mi septembre et le fond de l’air est frais.

Le petit courant d’air du soir de Cuzco qui circule dans les ruelles tracées par les Incas va bientôt se lever.

Moi j’ai les doigts un peu froids et malhabiles sur le charango, mais on s’en fout là on joue pour le fun, pour le plaisir, on n’a même pas mis mon chapeau colombien rouge-bleu-jaune difforme à nos pieds.

On commence par « No me arrepiento de este amor » de (sainte) Gilda pour se réchauffer.

On a tout juste ouvert la bouche que fond sur nous une petite fille sur sa trottinette.

Elle a l’air d’avoir 7 ou 8 ans, les cheveux brun, une jupe à carreaux et pas trop de soucis de confiance en soi.

« Hola »

« Me llamo Ana Maria Quispe Naguara »

J’ai changé le nom par respect de sa vie privée ou bien parce que je l’ai oublié je vous laisse choisir.

Mais c’est bien comme cela qu’elle s’est présentée à nous, cash.

« Qu’est ce que vous allez jouer ?  »

« On va jouer « No me arrepiento de este amor » de Gilda, tu la connais, tu aimes bien ?  »

« Oui, oui Gilda je vais chanter avec vous »

Nous continuons la chanson et elle nous suit avec des paroles approximatives, elle est super mignonne et hyper sûre d’elle.

« Maintenant c’est moi qui chante, moi je vais chanter Maricarmen, vas-y joues toi »

Je m’exécute en souriant, bien sûr je n’ai aucune idée de ce qu’elle va chanter alors j’improvise une espèce d’intro en continuant sur les accords de « No me arrepiento de este amor » 

Et Ana Maria commence à chanter à pleine voix.

« Hooooooy descubrí lo mucho que te amabaaaaaa

Cariño mío tu eres sin duda mi gran aaaamooooor

Tuuuuuuú que tantas cosas lindas me decías

Siempre encendiste el fuego que llevo en mi coraaaaaazooooón

Ay ay ay aaaaaaaay

Mi coraaaazón »

Elle nous fait toute la chanson, nous applaudissons l’artiste !

C’est très drôle, on s’en rendra compte le soir même en cherchant la chanson sur internet, ce sont quasiment les mêmes accords que celle de Gilda.

Anna Maria enchaîne, elle nous parle de sa trottinette, de ses parents, de l’école.

Ils sont a une dizaine de mètres en train de discuter avec des amis, au bout d’un petit moment ils viennent la chercher.

« Ciaaaao reina, gracias! »

Et voila comment est arrivé dans notre répertoire « Por qué te fuiste » le hit de l’année péruvien de Maricarmen Marin , que nous allons trimbaler dans nos sacoches de Cuzco à Atacama en passant par La Paz.

Ne partez pas sans les écouter 😉

Et sinon cet article fait partie d’une mini-série : La petite voix

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