Irina a toujours raison !

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Voilà, je ne sais pas pourquoi je m’obstine à toujours vouloir questionner ça, alors que ça n’est pourtant pas compliqué.

Irina a TOUJOURS raison.

« Ya esta Lolo, no hace falta complicarse la vida sabes … »

Ce soir là, ça ne va pas du tout.

J’ai l’impression de flotter avec une guimauve en guise de corps tellement je me sens vidé d’énergie.

Et pourtant ma tête fait de la résistance.

« Ça doit être l’altitude, ça faisait trop de temps que nous étions sur la côte, il faut redescendre jusqu’à Caraz, ce soir. »

Nous sommes dans une rue de Huaraz, perchés à 3000 m d’altitude au cœur de la Cordillère blanche au Pérou, à la sortie de l’agence de bus Lineas.

Irina vient d’arriver de Trujillo après une longue journée de route.

Nous nous étions donné rendez-vous ici 6 jours plus tôt quand j’ai pris la route du Sud.

J’étais parti seul en avance pour cette ascension de la mer à la cordillère.

Irina terminait alors une thérapie de deux semaines, consécutive à une blessure au genou dans le désert côtier du Pérou.

Après avoir traversé le désert, m’être enfoncé dans les Andes, le long du rio Santa, à travers le canyon del Pato et ses dizaines de tunnels incroyables, m’être hissé au pied du mont Huascaran, je suis arrivé dans la ville de Huaraz, la veille au soir.

Dans une auberge cachée derrière le stade de la ville, petit repère des amoureux de la montagne et des cyclistes aventureux.

Huaraz est à 3000m d’altitude, naturellement la fin de l’ascension, dans le trafic infernal des taxis collectivos péruviens, m’a bien vidé de mes forces, le souffle un peu court je suis sorti au marché acheter des pâtes.

Je me sentais un peu vaseux, pas vraiment les yeux en face des trous. J ai mis ça sur le compte de l’adaptation au retour en altitude.

Je fais connaissance avec mes camarades de chambre mais j’avoue que je suis rincé je me cuis des pâtes dans la petite cuisine et je m’écrase raide sur mon lit.

Au milieu de la nuit, je me réveille avec une très forte fièvre, je suis complètement dans les vapes.

J’essaye de boire un peu d’eau et de me recoucher mais mon corps est dans un bouillonnement intense.

Je sens qu’il se passe des choses pas nettes dans mon ventre.

Jusqu’à me lever, vomir l’intégralité de mon repas du soir et enchaîner avec une violente diarrhée.

Cela arrive en voyage d’avoir des petites turistas mais là c’est très puissant.

Je bois autant d’eau que je peux pour me réhydrater et je fini par m’endormir.

Je fais des rêves décousus, mouvementés, secoués par la fièvre.

Le matin je suis très faible, j’arrive finalement à me lever vers 10h pour essayer d’avaler une banane.

Il va me falloir de l’eau en bouteille là, pour remplacer un peu le filtre le temps d’identifier ce que j’ai.

Je me traîne dans la rue, je suis un zombie.

Autour de moi se bousculent les péruviens pressés, les chuletas qui vendent leur cuys vivants (cochons d’inde) dans des grands sacs , le marché avec les poulets fraîchement décapités qui pendouillent, je n’en demandais pas tant.

Je trouve une pharmacie , la pharmacienne voit que ça ne va pas du tout, apparemment je ne suis pas le 1er gringo qu elle voit comme ça elle me donne du paracétamol pour la fièvre, un antibio à large spectre au cas où contre l’intoxication et une solution électrolyte d’un litre à boire pour me réhydrater.

Je reste couché quasiment tout l’après midi, complètement vaseux mais je n’ai pas de nouvelles diarrhées, pour l’instant …

Je me convainc que c’est l’altitude qui me joue des tours et je commence à craindre qu’Irina en souffre aussi car elle va arriver ce soir directement en bus de la côte et monter ici sans aucune étape intermédiaire.

Cela avait été le cas pour elle en débarquant à Quito depuis le Paraguay.

Je me renseigne sur les taxi collectifs pour redescendre à Caraz, c’est de là que je suis parti la veille à vélo 70km plus au nord et presque 1000 m plus bas vers les 2000 m d’altitude.

Je me dis que c’est aussi de Caraz que nous pouvons faire de très bons treks dans la cordillère blanche alors autant y redescendre d’emblée, on sera sur place pour aller crapahuter quand ça ira mieux.

Le bus arrive avec pas mal de retard, cela fait 6 petits jours que je suis parti mais nous nous sommes manqués et nous sommes très heureux de nous retrouver.

La route en bus a été longue et sinueuse, Irina est fatiguée mais a le sourire, les employés de la compagnie ont été très aimables avec elle pour le chargement de son vélo.

Je lui raconte la nuit et la journée que j’ai passées et mon idée de redescendre à Caraz directement ce soir, nous remontons son vélo et nous nous laissons glisser jusqu’à l’auberge.

Il ne faut pas traîner si nous souhaitons attraper un des derniers collectivos pour Caraz.

La gérante de l’auberge est adorable. Elle s’inquiète pour moi et nous conseille de rester à Huaraz, vu mon état.

Irina est d’accord avec elle et me dis que nous devrions rester ici et voir comment cela évolue demain.

Mais je m’obstine à croire que je souffre de l’altitude et que nous serons mieux en redescendant à Caraz.

J’insiste jusqu’à ce qu’elle cède.

Nous laissons nos vélos et la plupart de nos affaires à l’auberge puis nous allons attraper le collectivo.

Ce sont des combis qui partent une fois pleins, en général pleins à craquer, et qui s’arrêtent un peu partout sur la route pour faire monter et descendre des passagers.

Je suis toujours KO mais le trajet se passe bien, il fait déjà nuit noire, je devine la route que j’ai empruntée la veille, c’est drôle comme tous les détails du chemin s’impriment fort dans la mémoire quand on roule à vélo, forcément là ça va beaucoup plus vite.

A l’aller j’avais déjà fait le repérage d’une bonne auberge de jeunesse à Caraz, nous marchons un peu pour l’atteindre, je suis vidé.

La propriétaire nous accueille, l’auberge est quasiment vide, ce n’est pas la haute saison, nous sommes tous seuls dans le dortoir de 6, les lits sont confortables, je m’endors directement en arrivant.

A 2000 m on sent la différence, il y a plus d’oxygène dans l’air ici.

Le lendemain, j’ai toujours de grosses diarrhées et je suis toujours très fatigué.

Étrangement cela s’arrange un peu dans l’après midi, nous sympathisons avec un voyageur italien, Daniele, qui est en train de faire un montage vidéo pour la priorio de l’auberge.

Je lui partage même des prises de vue à vélo du canyon del Pato, proche de Caraz et je joue un peu de charango.

Mais le soir, mon état se détériore à nouveau.

La proprio nous conseille un cabinet médical pour voir un médecin, c’est tout petit, il y a plein de bibelots sur le bureau, le médecin est sympathique.

Il m’ausculte et m’injecte du sérum pour me réhydrater, pour lui j’ai une grosse intoxication alimentaire, vraisemblablement l’oeuvre d’une bactérie, du classique. Il me prescrit un antibiotique et de continuer à boire en continu des solutions électrolytes pour rester hydraté.

L’antibiotique ne me rassure pas des masses, en recherchant un peu sur internet, je constate qu’il n’est plus prescrit en Europe depuis longtemps pour ses effets secondaires.

Le lendemain, je suis toujours au fond du trou, je suis hagard, je n’ai pas les idées claires, comme si mon cerveau tournait au ralenti.

Grâce à ma maman, je suis rappelé par le plateau d’assistance de mon assurance de voyage en France.

Ils me rassurent sur l’antibiotique et me donnent l’information de la clinique la plus proche avec laquelle ils ont un accord … elle est à Huaraz.

Evidemment, c’est la seule grande ville dans le coin.

La suite, vous l’avez deviné, le soir même nous sommes remontés à Huaraz, grâce à Irina qui a du me traîner dans le tuk-tuk et à nouveau dans un collectivo.

A la clinique, après une nouvelle perfusion pour me réhydrater, des analyses de selles et de sang, le médecin m’annonce qu’il s’agit en fait de la typhoïde.

Là c’est le moment où tu sors wikipedia et doctissimo.

J’étais pas vacciné contre ça déjà ?

Ah bah oui mais en fait le vaccin ne protège qu’à 70% environ, mais atténue tout de même les symptômes … heureusement !!!

Tout cela explique la fièvre, les diarrhées violentes et l’abattement extrême depuis 3 jours.

La typhoïde, c’est une bactérie, une salmonelle en version méchante qui infecte le tube digestif et passe dans le sang quand la maladie s’aggrave.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fi%C3%A8vre_typho%C3%AFde 

Comme c’est une bactérie, les traitements qui existent sont quelques antibiotiques ciblés, certaines souches de la bactérie ont développé des résistances avec le temps ce qui rend parfois la maladie très grave, apparemment c’est surtout en Asie du sud est.

La contamination se fait en général par la nourriture, ou par l’eau, et est le fait d’une autre personne contaminée ou porteuse saine qui ne s’est pas correctement lavé les mains après être allée au petit coin.

La maladie peut se déclarer plusieurs jours à deux semaines après l’infection, alors difficile de savoir où je l’ai chopé.

En restant quasi toute la semaine suivante alité dans une auberge de Huaraz, j’ai eu le temps de cogiter un peu.

Les deux options qui me semblent les plus probables sont un fromage que m’a fait goûter une chuleta au marché de Caraz, la veille de mon ascension à vélo jusqu’à Huaraz.

Ou un repas que j’ai pris le jour précédent dans une auberge, un peu plus bas à l’entrée du canyon del Pato à Huallanca. J’ai appris à la fin du repas que le jeune fils des restaurateurs était très malade du ventre, je leur avait même proposé des huiles essentiels de Tea Tree (la bonne blague). Il y avait peut être bien un foyer de fièvre typhoïde dans ce village.

Moralité : heureusement que j’étais vacciné et on ne me reprendra plus à boulotter du fromton sur un marché au Pérou !

L’antibiotique adapté (10 jours en tout quand même) et les douces attentions d’Irina m’ont remis petit à petit sur pied.

Merci amorcita <3

Alors voilà, Irina a TOUJOURS raison. Il faut simplement l’écouter.

Pourquoi est ce que je m’obstine à l’oublier constamment ???!!
Pour la petite histoire, nous sommes retournés à la clinique de Huaraz, car une fois guéri, c’est Irina qui a commencé à souffrir de diarrhées à son tour.

Heureusement, après avoir aussi fait les examens, il s’agissait d’une vilaine turista, et je n’ai pas joué les « Typhoid Lolo », nous avons inversé les rôles et après encore quelques jours de repos à Huaraz nous avons repris le voyage.

typhoidlolo
Typhoid Lolo

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