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Nous sommes le 20 janvier 2019 et je suis à Sainte-Anne en Martinique.
Cela fait une grosse semaine que je recherche activement un embarquement pour quitter l’île, peu importe vers où et de préférence vers le continent américain !
La baie est paradisiaque, c’est ici que nous avons jeté l’ancre avec Jacky et l’équipage de Jonathan à l’arrivée de notre traversée de l’Atlantique. Il y a énormément de voiliers qui mouillent ici, pour se reposer un peu, pour refaire des vivres, pour s’arrêter un moment ou avant de reprendre la mer.
J’ai installé la tente et mes affaires au camping municipal, cela me permet d’avoir les mains libres pour prospecter entre le port du Marin, les boutiques et les bars fréquentés par les capitaines en tout genre et le ponton de Sainte-Anne. En parallèle, j’épluche quotidiennement les sites de petites annonces de recherche d’équipiers.
Il faut avouer que j’ai pas mal de doutes à ce moment, trouver un embarquement pour partir de la Martinique s’avère plus compliqué que ce à quoi je m’attendais.
Aujourd’hui, c’est la 2e fois que je décide d’aller prospecter à la nage directement dans la baie.
Je l’avais fait quelques jours auparavant, après avoir récupéré une grande paire de palmes bleues dans les poubelles du ponton. La partie chaussante est déchirée sur l’arrière mais ça tient quand même aux pieds.
J’adore nager en mer, j’avais pris l’habitude d’y aller très régulièrement quand je vivais en Bretagne. Pendant la belle saison j’allais presque tous les jours piquer une tête après le boulot.
A Sainte-Anne, l’eau est chaude et cristalline.
Je laisse toute mes affaires au camping, la plage est juste de l’autre coté de la rue et je sors en maillot pour me mettre à l’eau.
Mon objectif est de trouver un bateau qui accepte de m’embarquer et au minimum de laisser mes coordonnées aux propriétaires pour faire jouer le bouche à oreille.
Je n’ai pas vraiment de solution pour prendre des notes moi-même avec ma mémoire de poisson rouge pour les noms et les numéros et puis mon carnet ou mon smartphone ne me suivent pas dans l’eau.
Il y a de la distance entre chaque voilier, la marge nécessaire pour éviter tout choc entre deux bateaux quand le vent tourne ou si l’ancre glisse sur le fond.
Je me dirige un peu au hasard parce que ce n’est pas évident de se rendre compte au loin s’il y a quelqu’un à bord.
La présence de l’annexe est un bon indice tout de même alors j’essaye de cibler ces voiliers.
Je ne me souviens plus combien de voiliers je visite ce matin là, quelques uns vides, quelques uns avec leur occupants.
C’est assez drôle car les gens ne s’attendent pas vraiment à rencontrer quelqu’un comme cela dans l’eau.
La dernière fois j’ai nagé deux bonnes heures sans succès alors cette fois ci j’ai un peu moins d’espoir. Je teste quand même à nouveau au moins ça me fait une séance de sport et c’est assez marrant la surprise des gens.
Je me souviens que je discute avec un couple de retraités Canadiens qui n’ont pas prévu de bouger à court terme et un couple de Suédois plus jeunes qui abrègent rapidement la conversation.
Je ne m’attarde pas non plus quand j’ai une réponse négative car mon corps se refroidit à la longue dans l’eau.
Après quelques essais infructueux, j’approche d’un monocoque d’une douzaine de mètres, il s’appelle « Boutavent » et il y a de l’activité à l’arrière on dirait.
Dans l’eau on est vachement bas par rapport au cockpit du bateau alors je ne vois pas grand chose de ce qui s’y passe.
Je lance un « bonjour » aux occupants.
Un couple apparaît, Camille et Antoine, souriants, la bonne trentaine.
Ils ne sont pas seuls à bord, à peine ont ils répondu à mon bonjour que leurs 4 enfants se jettent littéralement par dessus bord à ma rencontre.
Splaassh !!!
Je suis derrière le bateau et en quelques secondes je me retrouve avec toute la petite famille dans les bras.
Avec ou sans brassards, Mathurin, Anatole et les jumeaux Joséphine et Théophile, 9, 6 et 4 ans.
Les enfants sont comme des poissons dans l’eau et tout de suite ils s’accrochent à moi et m’assaillent de questions.
Autour de nous il y a l’annexe, une grosse bouée et un paddle qui flottent.
Nous discutons un peu avec Camille et Antoine et très vite ils me proposent de les accompagner en direction des Saintes, ils lèvent l’ancre l’après-midi même, je suis aux anges.
Je suis scotché par la vie de la famille à bord de Boutavent, c’est la première fois que je rentre dans l’intimité d’une famille qui navigue.
Camille et Antoine ont longtemps rêvé d’aventures à la voile sur les océans.
En 2018, ils préparent le bateau et prennent la mer avec leur 4 enfants pour une durée indéterminée !
En famille, ils partent de Bretagne sur le golfe de Gascogne, naviguent le long des côtes d’Europe et d’Afrique vers les îles Canaries et du Cap-Vert puis traversent l’océan Atlantique jusqu’aux Antilles.
Il y a de l’ambiance à bord, les enfants partagent leur cabine, les rangements du carré sont fournis en jeux et en livres colorés. Ce sont les parents qui font l’école avec les cours du CNED.
Au programme de la récré : paddle, snorkeling, surf et découverte de la navigation.
Le calme et l’organisation de Camille et Antoine sont juste impressionnants.
Faire grandir et s’épanouir les enfants, en sécurité à bord tout en gérant la foule de défis que représentent la navigation, les quarts de nuit, la maintenance du bateau, chapeau bas !!!
C’est sportif car avec 4 enfants en bas âge qui débordent d’énergie il faut savoir jongler et rester zen.
C’est aussi la première fois que je passe du temps avec une famille de voyageurs : beaucoup de questions émergent avec le voyage.
Les copains et les copines de l’école restés en France, la vie tous ensemble dans un tout petit espace, les bateaux « copains » avec d’autres familles, soigner les peurs et les angoisses qui naissent en navigation quand la mer chahute le voilier.
Les enfants sont surexcités d’accueillir un équipier à bord, j’adore leur curiosité, leurs questions, leur spontanéité.
Arrivés aux Saintes, nous retrouvons des amis de Camille et Antoine et nous profitons du mouillage pour aller visiter l’épave d’une navette touristique coulée dans la baie avec Mathurin et Anatole.
Ces deux journées sur Boutavent en compagnie de Camille Antoine et les enfants ont été magiques, elles m’ont plongé dans la beauté d’une famille en voyage, de deux parents qui réalisent leur rêve et offrent à leurs enfants un précieux cadeau.
Cet article fait partie d’une mini-série : La petite voix